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Il est assez rare, de nos jours, de ne percevoir aucune présence humaine en montagne, et de croiser des paysages sans remontée mécanique ou canon à neige. Le ski de randonnée ou le splitboard - sa version snowboard - permettent d'atteindre de tels endroits. Un décor blanc immaculé gagné au prix d'un effort à la montée qui ne fait que décupler le plaisir de la descente. C'est précisément ce que cherchaient Antoine Pidoux et ses amis, partis pour trois jours de splitboard dans les Pyrénées Ariégeoises l'hiver dernier. Au menu : refuge perdu, pentes enneigées et fromage à volonté.
Notre objectif est simple : nous enfoncer dans une vallée profonde pour y chercher la déconnexion, l’effort... et la fondue. Quelques jours dans une cabane, au milieu des montagnes qui nous coupent du monde. La neige est tombée en abondance en ce mois de février, la météo nous prédit du soleil, du soleil et encore du soleil, et les conditions de sécurité sont réunies. Le moment idéal pour une petite aventure entre amis, ou trois jours de splitboard dans les Pyrénées Ariégeoises.
Nous filerons au refuge d’En Beys, en plein coeur de la Réserve nationale de faune sauvage d’Orlu. Nous établierons notre camp de base au refuge - non gardé en hiver - et choisirons, au jour le jour, les itinéraires qui nous appellent, en fonction des conditions et de notre inspiration. Le plus difficile étant de choisir quel fromage nous allons amener...
L’Ariège, en plus d'être facilement accessible pour nous depuis Perpignan, est réputée pour être sauvage. Elle est parcourue d'espaces protégés, dont la Réserve nationale de faune sauvage d’Orlu. Créée en 1943 par une initiative privée sur 4250 hectares de haute montagne - de 930 à 2 765 mètres d'altitude - elle est gérée par l’Office Français de la Biodiversité (OFB), qui développe des programmes d’étude et de suivi de la faune sauvage en partenariat avec une structure locale, l'Observatoire de la montagne.
La réserve offre un cadre rêvé pour découvrir la biodiversité en montagne et observer la faune sauvage dans son milieu. On peut y croiser de nombreuses espèces, comme la marmotte, l'isard (emblème du Parc national des Pyrénées), la loutre d'Europe, le lagopède ou le grand tétras, endémique des Pyrénées. Mais en ce mois de février, la plupart d'entre eux restent au chaud. Nous tenterons d'être aussi discrets qu'eux, pour ne pas les déranger.
En hiver, les tétras restent dans des igloos sous terre. S'ils sont dérangés par des skieurs, ils peuvent s'enfuir et dépenser une énergie importante, ce qui peut les tuer. Restez discrets, évitez de vous éparpiller et de vous déplacer à l’aube et au crépuscule, quand les animaux se nourissent.
L'été, la réserve est l'endroit rêvé pour partir en randonnée (Tour des Pérics, Tour des montagnes d'Ax, GR7), pratiquer le VTT, l'escalade et l'alpinisme, ou tout simplement profiter du paysage et de ses nombreux étangs. L'hiver, ses pentes enneigées et ses vertigineux couloirs vierges de toute trace promettent de belles descentes.
Pour cette aventure dans les Pyrénées Ariégeoises, deux d'entre nous sont équipés de splitboards. Paradoxalement, il n’y a pas que les skieurs qui peuvent profiter des joies du ski de randonnée pour accéder à de grands espaces vierges, hors-pistes, et de faire ses premières traces dans une belle poudreuse ! Si les adeptes du snowboard montaient longtemps à pied ou en raquette, le développement de splitboards de plus en plus perfectionnés a changé la donne.
Le principe du splitboard est simple : la planche de snowboard se désolidarise en deux pour devenir deux gros skis. Le système de fixation pivote pour pouvoir chausser tout en gardant ses boots habituelles. Tout comme en ski de rando, on vient coller des peaux de phoque aux semelles pour adhérer à la neige en montée. On peut ajouter des couteaux aux fixations pour une meilleure adhérence. Ces derniers sont plus souvent utiles en splitboard qu'en ski de randonnée (où on les utilise surtout au printemps), car la forme des "skis" de splitboard, asymétriques et sans carre des deux côtés, peut rendre la montée délicate dans les pentes abruptes et la neige dure. Deux bâtons, et c'est parti pour les conversions !
Une fois arrivé en haut, on range ses bâtons (pliables ou télescopiques) dans le sac, on retire les peaux de phoque et on assemble les deux skis grâce à un système d'accroches. Les fixations pivotent et nous voilà avec un snowboard "classique", prêts à rider. Si les splitboards ont longtemps eu mauvaise réputation auprès des skieurs (matériel plus lourd et fragile, ascension plus lente, manipulations plus nombreuses, limitation dans les parties plates...), ils rivalisent aujourd'hui avec les skis de randonnée. Aucune raison de se priver !
Partis de Perpignan, on dépasse Ax-les-Thermes pour se rendre au point de départ via une petite route recouverte de neige. On chausse skis et splitboards à peine garés, sans se soucier de ce qui nous attend. Tout commence en sous-bois avec des passages raides et escarpés. On fait une pause fagot pour amener du bois au refuge. Chacun repart avec son lot de branches mortes sur le dos. On glisse, on déchausse, on se trompe de passage, on rit, on déchausse, on s’enfonce jusqu’à la taille, on râle, on en bave. Le soleil s’en va très vite, et les températures chutent.
Selon l’itinéraire, c’est le dernier coup de collier. Nos frontales devinent une masse dans la nuit noire. L’arrivée au refuge est assez mystique. Quel soulagement, aussi ! L’accès hivernal du refuge se fait par une échelle directement dans le dortoir. Les lits et les couvertures en laine nous prédisent une nuit 5 étoiles mais pour l’heure, c'est fondue suisse « moit' moit' », moitié Vacherin de Fribourg, moitié Gruyère. Le luxe. Le dernier bout de pain avalé, on se glisse dans nos duvets.
Réveil 6h30. On ne met pas longtemps à sortir en allégeant nos sacs, c’est l’avantage de revenir au même endroit le soir. Un petit test primordial du matériel de sécurité – DVA, pelles, sondes – et nous voilà partis, longeant le lac gelé. Le soleil éclaire les sommets qui nous entourent. Il n’y a pas un bruit. Le terrain de jeu s’ouvre à nous. On étudie les lieux pour prendre en compte les éventuels risques d’avalanche. On choisit de partir en direction du pic de la Grave. Les conversions s’enchaînent. On adapte notre tracé vers un pic sans nom qui marque la frontière avec les Pyrénées-Orientales, entre le col de la Grave et le « Naixement del Rec de la Grave/Tet ». On prend de la hauteur. Il est temps d’enlever les peaux pour faire les premières traces. Enfin !
La neige est légère, excellente, on prend conscience de notre chance - bien qu'on soit venus la chercher à la force de nos jambes ! On remonte sur un autre spot, vers le pic d’étang Faury, mais sans aller jusqu’au sommet. Il n'y a qu'à choisir par quel couloir redescendre, en contournant quelques éperons et sapins qui font de la résistance. Du split à la sauce Pyrénéenne. La journée passe à une vitesse folle et se termine dans notre petit refuge.
Nouveau jour, nouveau check des conditions, nouveaux projets. On reprend la direction de la veille : un dernier couloir nous faisait de l’œil vers le col de la Grave. La pente est très raide, trop raide pour continuer en split. On fait marcher le cardio en grimpant tout droit, les splits sur le sac. Jamais je ne m’étais retrouvé dans une telle situation, dans un tel endroit. L’excitation se mêle à la peur, mais il faut rester concentré. On se lance un à un entre ces deux paroies rocheuses. L’atmosphère est unique. On glisse, on s’applique sur de belles courbes, on remonte, on sue, on souffle, on glisse encore.
On aimerait ne jamais arrêter mais aujourd’hui c'est déjà l'heure de rentrer, il ne faut pas traîner. Après un bref passage au refuge pour récupérer nos affaires, on prend le chemin du parking. Allez, on enfile des vêtements froids mais secs. En route pour Ax-les-Thermes où trois bières nous attendent, des souvenirs plein la tête après trois jours splitboard dans les Pyrénées Ariégeoises.
Le refuge d’En Beys est situé à 1 970 mètres d’altitude, au cœur de la Réserve nationale de faune sauvage d’Orlu. Il était fermé quand nous y étions, et ce du 28 septembre au 31 mai chaque année. Seule la partie hivernale reste ouverte et non-gardée. Nous étions donc en autonomie. Hors période de gardiennage, l’accès se fait par l’échelle qui donne sur la fenêtre du dortoir, à l’étage, ce qui permet de rentrer malgré les cumuls de neige qui bloquent la porte d’entrée. Une pelle se trouve d’ailleurs au rez-de-chaussée pour la déneiger.
Le dortoir est composé d’une rangée de lits superposés, 15 places, en très bon état avec matelas et couvertures en laine épaisses. Nous avions rarement connu pareil confort dans un refuge non-gardé ! L’escalier mène au rez-de-chaussée, plus rudimentaire. Il n’y a ni eau, ni électricité, ni gaz. La cheminée est fonctionnelle mais il y a rarement du bois. Mieux vaut s’alourdir lors de la montée au refuge en traversant la forêt. Mais attention : n'abimez pas les arbres et ne ramassez que le bois mort au sol.
Prévoyez des vêtements chauds et n'oubliez pas frontales et bougies pour profiter de la soirée autour de la table, de bons produits locaux à déguster et une petite bouteille de breuvage magique dont vous aurez le secret ! N'oubliez pas non plus d'emporter vos déchets avec vous - le camion poubelle ne passe pas ici - ainsi que le papier toilettes usagé, qui peut aussi être brûlé dans la cheminée, afin d'éviter de bien désagréables découvertes à la fonte des neiges...
Profiter d'un tel endroit est une chance, alors jouez le jeu : laissez les lieux encore plus propres qu'à votre arrivée et fermez bien les accès.
Pour ces trois jours de splitboard dans les Pyrénées Ariégeoises, nous nous sommes rendus à notre point de départ, le parking du Fanguil, en voiture depuis Perpignan, mais Ax-les-Thermes est accessible en train. Ensuite trois options sont possibles : le taxi, l’autostop ou la randonnée. Il faut compter 3h30 de marche pour rejoindre le point de départ. De quoi s'échauffer !
En été, la région met en place des navettes à 1€ seulement pour se rendre au parking du Fanguil, du lundi au vendredi.
Une vie à coucher dehors, notre dernière aventure Les Others en ski de randonnée.
Dès que l'enneigement le permet ! Nous sommes partis début février, dates optimales cette fois-ci, mais à adapter en fonction des conditions. Privilégiez les périodes scolaires pour vous retrouver seuls au monde et vous assurer une place au refuge.
Gardez toujours un œil sur les conditions d’enneigement, le risque d’avalanche et la météo. N'hésitez jamais à rebrousser chemin si les conditions se dégradent. La montagne attendra ! Le risque d’avalanche était de 2/5 (risque limité) quand nous y étions, mais il faut toujours être vigilant.
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